
Petit détail, dans cet article je ne parlerai pas de mon passé en détails car il ne concerne pas que moi mais, comme dans beaucoup de cas, cela concerne aussi ma famille et je préfère parfois garder un flou sur les événements.

Je me souviens de mon premier lien avec la psychiatrie comme quelque chose d’horrible et de solitaire.

Tout a commencé à mes 16 ans, le moment où mon frère m’a retrouvé inconsciente et que j’ai été transféré aux urgences. S’en est suivi, ma première hospitalisation dans un service d’adultes. Le choc de ma vie, pour moi, je n’étais pas comme les autres patients, la plupart schizophrène, quelques dépressifs mais beaucoup plus vieux. Je ne pouvais pas me sentir plus seule qu’à ce moment là, découvrant la maladie mentale dans sa forme la plus crue . J’étais enfermée, seule ado parmi une vingtaine de personnes et pendant une semaine, je n’ai pas eu de visites ou d’appels autorisés. Mon séjour s’est résumé à parler à des psychiatres, des psychologues et à l’équipe soignante, le diagnostic qu’ils ont posé était « Episode Dépressif Majeur » et mon premier traitement, le deroxat, le voyage pouvait commencer. Un périple, long, fastidieux avec beaucoup de roller coaster et de « on repart à zéro ».
J’ai été ensuite dans un service dans une maison des adolescents très connu: la maison de Solenn et qui était rare comme structure à l’époque. Cette structure était beaucoup moins traumatisante, j’ai pu faire des rencontres avec des personnes très différentes, des pathologies différentes mais tout de même beaucoup d’anorexiques (j’étais plus dans le spectrum de l’hyperphagie et 15kg en trop) mais aussi des activités bien être (une épreuve pour moi à l’époque), de danse, de théâtre, un jardin etc… Une autre vision, un autre univers où je me sentais un peu plus sereine. Ce fut un court séjour mais bien plus enrichissant que ma première hospitalisation.

Par la suite, il y a eu des hauts, des bas, des grosses rechutes mais pendant ce temps pas de suivi psychiatrique, un arrêt de traitement à l’arrache (avec beaucoup d’effets de sevrage, à ne jamais faire !) . Quand on est jeune, on se croit invincible mais surtout, surtout, je ne voulais pas être « la folle » du coin, ce qu’on me disait souvent lorsque je parlais de psychiatrie, qu’il n’y avait que des fous, des dangereux, des rebus de la société. Durant cette période, je cachais honteusement ce qu’il se passait dans ma tête et je m’isolais énormément, je me sentais à part et j’invalidais ma propre existence, pour moi je n’avais rien à faire sur cette terre. Puis, vers mes 23 ans, j’ai refait une rechute dépressive, sévère, mais je ne voulais pas être hospitalisé mais j’avais besoin d’un suivi, un sérieux. Je dis souvent à mes patients, trouver un praticien avec qui vous vous sentez bien… Ce conseil est capital, mais, très difficile à faire, j’ai dû en faire 5 ou 6 avant de rencontrer ma psychiatre actuelle, avec qui j’arrivais à m’épancher assez naturellement et je me sentais écouté. Mais, ne croyez pas que ce fut simple, le parcours est toujours difficile.

Le diagnostic de bipolarité a été posé quand j’avais 23 ans après avoir repris mon suivi avec une psychiatre et un vrai suivi, pas juste donner des réponses vides juste pour qu’on me laisse tranquille.
Je suis plus exactement bipolaire de type 2, c’est-à-dire, que je fais des dépressions assez sévère mais pas de crise maniaque, juste de l’hypomanie (l’état qu’on adore tous =D), ce qui est gérable pour moi via un carnet que je tiens avec des données précises et aussi mon état émotionnel.

J’ai eu des thymorégulateurs pendant un temps mais je les tolérais moyennement et pour certains j’avais une contre-indication claire (problème de thyroïde) par conséquent, je suis restée à un antidépresseur qui me convenait, passage qui s’est fait vers mes 27 ans et après des mois de réflexions parce-que je ne savais pas si ça allait m’aider. Bien sûr, mes « crises » hypomaniaques me fatiguent énormément mais rien de bien compliqué et que je gère via mes cycles de sommeil et mon psychiatre arrive toujours à me faire comprendre que là, il y a un truc qui ne va pas. Mais, parfois ça me dépasse et dans ces moments-là, un somnifère et/ou un anxiolytique et dans les cas plus complexe, une hospitalisation courte.

Dans tout ce bazar, il y a une étape qui a mis du temps, l’acceptation de ma pathologie. Comme je le disais plus haut, je n’avais pas envie d’être la « tarée » du coin et j’en avais honte, du coup, il est plus simple de refouler tout ça, j’en suis venu à parler de mes tentatives de suicide comme des « accidents ». Il n’y a rien d’accidentel là-dedans, même malade, c’était ce que je voulais sur le moment. L’acceptation s’est fait de force lorsque j’ai compris qu’en réalité, je ferai des rechutes plus ou moins importantes durant ma vie. Enfin, acceptation … Je vais être honnête, je sais par ma formation et mon expérience que je dois vivre avec, mais cela ne veut pas dire que je le vis bien au quotidien. Il y a toujours de la frustration à ne pas réussir à se contrôler complètement, des millions de questions « comment? pourquoi moi? … » et j’en passe.

Au final, j’ai eu des baisses de moral parfois légèrement difficile et logique avec ce qu’il se passait dans ma vie mais, jamais comme mes épisodes précédents, pas d’idées suicidaires… Mon hypomanie reste gérable, même si je dois toujours maintenir mon attention à mon comportement avec les autres et ma fatigabilité, là mon carnet est d’une bonne utilité (et mon téléphone quand je veux rester discrète !) pour voir si ça dure trop longtemps.
Ma bipolarité s’accompagne, comme dans beaucoup de pathologies, de comorbidité: je suis hyperphage et anxieuse. Les deux sont bien sûr liée et font mon cercle infernal, même si, celle qui a le plus de conséquence est mon hyperphagie vu que je suis en obésité morbide et que malgré toute la volonté du monde, les pulsions sont parfois difficiles à gérer. Cette année, j’ai réussi à rester stable voir à perdre un peu de poids (un miracle chez moi) et j’apprends à gérer mon anxiété ainsi que le sentiment de vide qui entraîne ces crises, pas qu’elles disparaissent mais je gère différemment mes réflexions sur moi-même en post crise en étant moins dur et en reprenant une meilleure alimentation. Comme vous pouvez le constater, ça fait plus de 10 ans que je vis avec tout ça mais les crises sont toujours là, et de forme diverses: des crises d’hyperphagie, des angoisses, des difficultés à prendre une douche ou sortir mais aussi à l’inverse, des moments où je dors très peu, je fuse littéralement d’idées à la seconde…
Voici un peu mon parcours psychiatrique de mes 16 ans à mes 29 ans (mon âge actuel), j’ai encore BEAUCOUP de chemin à faire pour gérer pleinement cet aspect de ma vie mais avec l’âge, j’ai appris que cela faisait parti de moi et que je ne devais pas en avoir honte ou me sentir à part de la société, j’ai ma place, à moi de la trouver ou de la construire.
Prenez soin de vous,
Nelly
