Apragmatisme et aboulie ou l’impossibilité de faire

Imaginez vous avez envie d’aller vous promener dehors, vous avez préparé vos vêtements, vos chaussures et vérifiez la météo mais, vous restez enfermé même si c’est pesant. Vous êtes atteint d’aboulie.
Imaginer vous devez vous doucher, mais, l’idée ne vous vient même pas à l’esprit. Vous êtes atteint d’apragmatisme.
Votre entourage aura beau vous dire que c’est nécessaire, utile, relaxant, ce que tout le monde fait et que vous reconnaissez leur point de vue mais c’est impossible. Quelque chose bloque, vous retient, vous en empêche, une force invisible pour certains (aboulie), pour d’autre, une absence (apragmatisme).
Alors je grossis un peu le trait, en réalité c’est très compliqué, mais pour être sûre que tout le monde comprenne ce que j’écris, il me faut simplifier un peu.

Pour faire « simple », ces symptômes englobent des difficultés à entreprendre des actions quotidiennes comme se laver, s’habiller, se nourrir, aller au travailler, sortir de chez-soi et j’en passe, ce qui entraîne souvent encore plus de soucis dans la vie courante, c’est comme si, on arrivait plus à bouger, on reste inerte en quelque sorte. J’ai rencontré ceux-ci chez les schizophrènes ou les dépressifs avec des degrés différents, ça peut aller jusqu’à la clinophilie (rester allongé dans le lit, même réveillé) ou encore l’incurie (ne pas prendre soin de soi: ne pas se laver, s’habiller, se nourrir…). Vous devinez que d’un point de vue professionnel ou social, ça devient tout de suite très compliqué.

Ces troubles psychiques font partis de ceux qui sont très incompris et la phrase la plus célèbre qu’on entend en retour est « c’est pas bien compliqué! Fais un effort! » ou, en version moins correcte, « met-toi un coup de pieds au cul! »
Ah ces phrases, je les adore à bien des égards, tellement je les entends souvent; à la télé ou à la radio, dans des livres, chez des parents qui ne comprennent pas ce qui se passe … Attention, je ne juge pas, je peux comprendre qu’être en face de quelqu’un d’apragmatique déstabilise, après tout, ce ne sont pas des tâches demandant une réelle difficulté physique et du coup, très souvent, on se crispe face à cette « fainéantise ». Cependant, « ce petit effort » lorsque tout va bien est, en effet, petit voir même totalement automatique mais, quand atteint de ces troubles, c’est une lutte pour faire la moindre chose, c’est usant. Pour l’apragmatique il s’agit d’une incapacité d’entreprendre et pour l’aboulique il s’agit d’une perte de la motivation de faire, ne serait-ce que ranger son chez soi par exemple. Je pense que c’est là où réside toute la difficulté pour ceux qui sont en face, parce qu’il est inconcevable de ne pas se laver ou changer de vêtements, on a tous appris ça étant petits et c’est devenu automatique, on y pense pas à ces choses!

Je vais prendre mon cas, quand je suis en phase dépressive, j’ai de réelles difficultés à ranger mon appartement. Sur le moment, me dire que mon appartement est sale ne me vient jamais tout de suite, je passe devant mais mon cerveau ne fait pas de lien et parfois ça peut prendre 2 ou 3 semaines que je range vraiment. Puis parfois (souvent après cette phase initiale d’apragmatisme), je sais qu’il faut ranger, que l’état de mon appartement n’est pas du tout approprié pour mon bien être physique mais aussi psychique. Cependant, l’action en elle-même de ranger va arriver au bout de quelques jours ou une semaine malgré que je veux le faire (aboulie) , il y a quelque chose qui s’est bloquée et ça nécessite de réparer temporairement ce rouage pour avancer et ensuite trouver solution au problème.


Par exemple, pour être sûr que je prenne une douche, j’ai une alarme sur mon téléphone à 19h me disant « l’heure de la douche!  » et en plus de cela, pour mettre toute mes chances de côté, je fais un soin du visage qui nécessite d’être rincer, comme ça, l’action sera imposée, obligatoire et je passerai sous la douche. Cette solution est venue en essayant divers routine lors de différente rechute (aussi petite soit-elle) et ça a donc demandé du temps.

Aucun traitement n’agit directement sur ce domaine, en général, le fait de traiter la pathologie globale peut aider à diminuer ces symptômes mais pas à l’enlever complètement. Il faut donc entraîner le cerveau à retrouver des automatismes puis à redévelopper l’intentionnalité de faire quelque chose, d’initier le mouvement. Alors, ok, mais si je veux aider, je fais comment? Alors, le plus important, ne SURTOUT pas dire les phrases citées au-dessus, je sais que ça peut être compliqué quand on en a marre de voir la personne ne rien faire, mais, dites-vous que ce genre de phrases va les culpabiliser et les enfoncer encore plus. Comprenez bien, une personne schizophrène peut faire de magnifique tableau ou aller travailler mais en même, avoir du mal à prendre une douche. Il faut les accompagner au quotidien et proposer votre aide (sans les forcer) pour réaliser les divers tâches. Pour certains, créer une routine le matin ou une check liste de courses, voir un planning peuvent les aider. J’avais proposer à un patient, Habitica, une application (et un site!) qui permet de favoriser ou même créer des habitudes en utilisant le principe du jeu. Il a bien aimé le principe et l’utilise toujours, il check tous les jours ces objectifs et comme il a envie de gagner des points pour acheter des items, sans tricher, il fait le maximum d’actions. Il y a des bons et des mauvais jours, mais il me dit que ça l’aide un peu. Je sais que sur iOs, il existe l’application Alix et moi, qui via des exercices permet de se recréer les étapes pour chaque geste, mais je n’ai jamais eu de retour de patients donc je ne pourrai pas vous donner un avis dessus et, il s’adresse en particulier aux schizophrènes. Vous pouvez d’ailleurs le trouver sur l’app store ou Google play !
En réalité, il n’existe pas de solution miracle, hormis du temps, un bon système de soutien, mais aussi, un bon suivi de la pathologie que ce soit les traitements ou le suivi psychologique/ psychiatrique. Sachez que si ça devient vraiment handicapant, il existe des aides (ménagères, repas …) que vous pouvez demander via une assistante sociale ou en allant vous renseigner à la mairie, n’ayez pas honte, ces aides sont là parce-que les autorités ont reconnus que certains d’entre nous ont besoin d’aide!

J’espère que cet article vous a plu,
Prenez soin de vous,
Nelly

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