Sur le sujet du suicide

Lors de ma première hospitalisation, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme d’une vingtaine d’année qui était dépressif et qui avait lui aussi été hospitalisé suite à une tentative de suicide. Évidemment, ça a créé des liens et nous sommes devenus amis, amitié plus ou moins décousue au fil des ans et inévitablement, on s’est perdu de vue il y a 1 ou 2 ans, chacun menant sa vie et ses projets tant bien que mal.
Pourquoi je vous parle de lui? Récemment, je suis aller faire un petit coucou dans le service où j’étais à mes 16 ans et c’est là que j’appris, par l’équipe, qu’il s’était suicidé. Je ne saurai trop vous décrire ce que j’ai ressentit, un énorme choc parce que je pensais qu’il s’en était sortis mais aussi une énorme culpabilité. Et si j’avais gardé contact?

Depuis, je repense souvent à lui et pleins de souvenirs resurgissent, comme la fois où pour éviter une énième réunion de groupe de parole, on a préféré prendre une permission et traînés dans un centre commercial du coin pendant toute une après-midi. On a fait que parler, pendant des heures de nos vies respectives mais aussi du fameux sujet « Comment t’en es arrivé à vouloir mourir? »
Encore aujourd’hui, je n’ai pas la réponse à cette question, je sais juste que c’est venu petit à petit et que j’étais persuadé du bien fondé d’une pensée omniprésente: tout le monde serait mieux sans moi. Cela va vous sembler étrange mais, ça n’est pas arrivé d’un coup, ce fut un processus long qui commence par des pensées parasites tels que « je ne sers à rien » puis la douleur qu’entrainent ces réflexions auto-destructrices amènent à la scarification, mais, le « soulagement » ne dure qu’un temps. Les pensées ne s’arrêtent pas, prennent toute la place, la souffrance ne fait qu’augmenter et, à ce moment là, ça devient: « A quoi bon vivre? »

Bien sûr, tout ça se passe dans un environnement précis où je ne pouvais pas exprimer ma souffrance et je gardais tout ça bien au chaud, au fond de moi. Mais, tout s’est passé sans que je prenne conscience de ce qui se passait en moi, ces pensées étaient évidentes pour moi. Tout le monde pensait que j’étais une ratée, une moins que rien et j’en passe, pourtant, c’était moi qui créais cette réalité, je m’auto-persuadais sans relâche que mes amis, ma famille me trouvait stupide et inutile. Pourquoi j’en suis venue à cet extrême? Un des mystères qui entoure ma dépression et mes tentatives de suicide, bien sûr, encore une fois, il y avait un contexte de vie.

Néanmoins, avec un recul de plus de 10 ans, j’ai cette impression d’avoir été une autre personne, comme dans une transe, je ne maîtrisais rien, mes pensées étaient plus glauques les unes que les autres, ma vie entière se résumait à trouver un moyen d’en finir. En revanche, malgré les années, cette étape de vie a laissé des marques profondes dans la personne que je suis devenue. Par exemple, une de mes faiblesses dont tout le monde peut attester, c’est le manque de confiance en moi, c’est en partie dû au fait que mes pulsions suicidaires sont pour moi la preuve que je peux complètement déraillé et être sûr du bien fondé de mes actes, par conséquent, les premières années post 16 ans, je me suis méfié de ce que je pensais ou ce que je pouvais ressentir.

Toutefois, à l’heure actuelle, je suis contente de ne pas avoir réussi et pour ceux qui envisagerait cette possibilité, sachez que vous manquerez forcément à quelqu’un. J’ai dû affronter la souffrance de mes parents d’avoir voulu mettre fin à mes jours et il n’y a pas pire comme sentiment je dois l’admettre. On laisse de la famille mais aussi des amis et bien souvent, on ne leur a jamais dit notre souffrance, je sais que je ne l’ai pas fait et c’était mon erreur. Parlez-en, enlever ce fardeau de l’isolement et vous verrez qu’on se sent plus léger. Un membre de la famille, un ami, un psychologue, un psychiatre, un collègue de travail, qui vous voulez.
Étrangement, malgré l’éloignement, mon ami me manque.

Qu’avez-vous à perdre à parler de votre souffrance?

Prenez soin de vous,
Nelly

Voici des coordonnées bien utiles si vous en ressentez le besoin:

 SOS Amitié :
Service d’écoute destiné à accueillir la parole de celles et ceux qui, à un moment de leur vie, traversent une période difficile.
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Permanence d’écoute par tchat tous les soirs de 19 h à 23 h ou par mail (réponse sous 48h maximum).
Tél. : 01 42 96 26 26 (Ile-de-France).
Retrouvez les numéros régionaux d’appel sur le site de l’association.
Site Internet : www.sos-amitie.org.

 Suicide Ecoute :
Ecoute des personnes confrontées au suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Tél. : 01 45 39 40 00
Site Internet : www.suicide-ecoute.fr.

 SOS Suicide Phénix :
Accueil et écoute de toute personne confrontée à la problématique du suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 7j/7.
Permanence d’écoute par messagerie accessible depuis le site internet de l’association.
Ligne nationale : 0 825 12 03 64 (de 16 h à 23 h).
Ligne Ile-de-France : 01 40 44 46 45 (de 12h à minuit).
Site Internet : www.sos-suicide-phenix.org.

 Fil Santé Jeunes :
Ecoute, information et orientation des jeunes dans les domaines de la santé physique, psychologique et sociale.
Ligne d’écoute téléphonique anonyme et gratuite 7j/7, de 8h à minuit.
Tél : 32 24 ou 01 44 93 30 74 (depuis un portable)
Site Internet : www.filsantejeunes.com.

 Phare Enfants – Parents :
Espace d’accueil et d’écoute (gratuit) pour les parents et les enfants en souffrance ; soutien aux parents endeuillés par un suicide.
Ligne d’écoute : 01 43 46 00 62 (du lundi au vendredi de 10h à 17h).
Service d’écoute par messagerie à l’adresse : cavaoupas@phare.org
Site Internet : www.phare.org.

 Les associations « La porte ouverte » :
Offrent un lieu d’écoute et de parole et proposent des entretiens en face à face, anonymes et gratuits avec des bénévoles.
Les coordonnées des lieux d’accueil à Besançon, Bordeaux, Lyon, Paris, Rouen et Toulouse sont disponibles sur le site de l’association.
Tél : 01 48 78 02 35.
Mail : contact@la-porte-ouverte.fr.
Site Internet : [http://www.la-porte-ouverte.fr/].

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Pandora.b dit :

    Hello 🙂 J’ai aussi fait une tentative de suicide, mais pas à 16 ans, j’avais 27 ans. Comme toi, je ne me reconnais pas dans la personne que j’étais à ce moment là. Je sais que je voulais disparaître, pas mourir. Mon rêve aurait été de disparaître puis renaître en une autre personne. Je ne supportais plus d’être incapable de reprendre le contrôle de ma vie, je ne travaillais pas, j’étais dans une relation où je me sentais invisible, un appartement qui ne me plaisait pas, et je n’aurais jamais parlé de ça a mes amis. C’est une question de personnalité. Il faut parler, c’est clair ! C’est peut-être plus facile de parler à des inconnus (pour moi ce fut le cas). A l’époque ce que je n’avais pas compris c’est que j’étais la seule à pouvoir tuer symboliquement mon ancien moi pour renaître en une personne qui fait des choix qui changeront sa vie ! La psychiatre m’a beaucoup aidée à la suite de ma tentative. J’étais tellement focalisée sur ma petite personne, mes problèmes, ma dépression, que j’en ai oublié le monde qui m’entoure. Quand on se tourne vers les autres, on va tout de suite mieux (je parle de mon cas). J’ai commencé par vouloir aider les autres pour me sentir utile (en faisant du bénévolat). Ça m’a rendue humble.

    Concernant le fait de manquer à quelqu’un ou sa famille, perso je m’en foutais complètement et je ne pense pas que cette culpabilité soit commune à tous ceux qui tentent de se suicider. Je pense que pour certaines personnes, le suicide est la seule option. La seule délivrance possible. C’était sûrement le cas de l’ami dont tu parles. Certaines personnes ne peuvent pas faire preuve de résilience. Ou ne veulent pas. Le suicide est difficile pour ceux qui restent, pas ceux qui partent…. Mais peut-on vraiment rester en vie pour faire plaisir à nos proches alors qu’on ressent une souffrance énorme ? Je crois vraiment que le suicide reste la seule liberté dans une société où on nous dicte tout en permanence. Je suis heureuse d’être là pour en parler mais je comprends que certains n’ont pas cette option. Et je respecte leur choix.

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    1. Nelly dit :

      Merci pour ton retour intéressant. Pour moi aussi, ma psychiatre m’a beaucoup aidé et parler à une étrangère m’a libérer du poids du jugement familial ou amical.
      Pour le fait de manquer à quelqu’un, tu as raison il y a deux poids deux mesures et parfois la souffrance est si intolérable qu’il n’y a que ce choix et loin de moi l’idée de les juger parce que oui ça reste une de nos dernières libertés absolue mais même si ce choix reste là, je pense qu’il est tout de même important de le partager avec quelqu’un. La route est plus facile à deux que seul.

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