Faut-il toujours une raison?

L’autre jour dans mon service, j’ai eu une session de supervision où une psychologue prend un temps avec l’équipe pour qu’on puise échanger autour d’une problématique. J’admets que d’habitude les sujets m’intéressent moyen personnellement mais sont toujours utiles pour savoir les difficultés que mes collègues rencontrent et si ils ont besoin d’un relais ou juste d’un soutien.
Cependant, la semaine dernière j’ai pu prendre part à une discussion très intéressante au sujet d’une patiente borderline qui depuis bien 2-3 ans ne fait aucun progrès et qui a toujours ce profond mal être, au point où elle peut être capable de se taper la tête contre les murs si notre attitude à nous la maintient à l’écart.

En soi, la patiente a un fonctionnement connu et ce genre de comportement a déjà été vu et géré petit à petit. Pourtant, une collègue a soulevé un fait intéressant: « si on lui donne pas une raison possible, elle ne le fera jamais d’elle même ». En effet, en échangeant ensemble en équipe, il existe une pléthore d’arguments qu’elle valide pour expliquer son geste extrêmement agressif. Or, elle valide mais n’en parle pas spontanément et en fonction du soignant l’argument va changer, alors qu’aucun fait n’a bouleversé son quotidien.

On -et je- passe tout le temps de soin a essayé de chercher pourquoi telle émotion, tel comportement sans pour autant penser que le patient n’a pas cette information en lui ou peut-être que ça arrive parce que … bah ça arrive ou que la justification peut être un brin controversé et que du coup, la personne n’a pas envie d’en parler. Est-ce que cela va changer notre prise en charge? De manière globale non, en réalité, le traitement du symptôme se fera toujours, après, bien sûr, de manière un plus subtile ça peut aider de savoir l’origine d’un comportement. Le travail sera le même, les actions pour aider l’autre aussi et le but sera identique que la cause soit connu ou non. Les effets sont là, il faut les « traiter » ou, je dirai plutôt, les « gérer » et permettre à cette personne de trouver des stratégies d’adaptation.

Prenons un exemple, dans mon cas, j’ai toujours des angoisses liées à ma -supposée- incapacité à réaliser correctement mon travail. L’origine? De nombreuses remarques/remontrances qu’on m’a fait dans le passé, surtout quand j’étais plus jeune, mon travail était rarement valorisé mais souvent pas assez bien. La raison je l’a connais donc, et, de nombreuses fois, on me rassure sur la qualité de mon travail… pour autant, cette angoisse est toujours présente et il suffit que mon cadre me demande de venir dans son bureau pour discuter que je me met en tension, je suis inquiète et me voilà à cogiter à 100 à l’heure pour savoir voir où je me suis plantée. La connaissance de la cause n’a en rien enlevé le problème de fond et je dois encore beaucoup travailler dessus et me raisonner. Je sais que je me suis amélioré car j’arrive à mieux exprimer mes arguments mais mettez moi dans une réunion et j’aurai tendance à m’effacer parce que je suppose que la voix des autres est plus experte que la mienne. C’est ainsi et parfois la meilleure chose à faire et de dire « il faut accepter » dans la mesure de l’acceptable pour le patient.
Ai-je des comportements dont je n’ai aucune explications? Oh oui, par exemple, mon incapacité à rester concentré sur une chose bien précise. Ma spécialité est de me perdre dans les méandres de mes questionnement et je passe mon temps à me reconcentrer sur un sujet. D’où ça vient? Aucune idée! Est-ce que ça me pose souci? Oui, ça me fatigue énormément et je dois me forcer à ne pas me disperser quand je suis en entretien avec un de mes patients.

Néanmoins, avec le temps, j’avais oublié ce point que parfois, ça ne sert à rien de chercher à tout prix une raison, une explication, une origine à un phénomène qui est bien présent, cela n’empêche pas de travailler sur la problématique et que peut-être un jour, le patient trouvera sa réponse au problème. Pour autant, il aura continuer d’avancer sur d’autres plans et de faire sa petite vie tant bien que mal. Je pense que c’est le plus important pour moi… Continuer à vivre malgré les difficultés.

Prenez soin de vous,
Nelly

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