Les idées noires

Dans le monde de la psychiatrie, il y a très souvent des concepts un peu vagues, on sait ce que c’est mais quand on cherche à les définir c’est un peu plus compliqué. Dans le cas d’un épisode dépressif, vous n’échapperez jamais à la question « Est-ce que vous avez des idées noires? ». Mais c’est quoi au juste?

Lorsque le psychiatre ou le psychologue vous pose cette question, c’est pour évaluer la gravité de votre situation mentale. Est-ce des idées noires ou des idées suicidaires? Tout le monde peut avoir ou aura ces pensées intrusives,il suffit d’être dans une passe un peu difficile et pouf, « la vie est trop difficile », « je suis nul », « je ne sais rien faire »… mais elles deviennent vraiment problématique quand celles-ci sont omniprésentes et porte sur n’importe quel sujet. La personne voit tout de manière négative et elle a un sacré pessimisme quoiqu’il arrive, même si cet événement est positif. Petit aparté, parfois il est normal d’avoir ces pensées lorsqu’on est un peu déprimé, qu’on a perdu quelqu’un, son travail etc… ça reste quelques semaines mais naturellement elles vont se dissiper petit à petit ou en tout cas peu impacté la vie quotidienne. Or, lorsque celles-ci reste ou qu’elles commencent à impacter la vie quotidienne, cela peut indiquer un début de dépression.

J’ai connu quelques épisodes dépressifs, certains grave, d’autres un peu moins mais dans tous les cas, j’avais ces pensées extrêmement intrusive, c’est-à-dire, qu’elles étaient là sans même que je m’en rende compte, c’était automatique, à n’importe quel moment de la journée puis ça me définissait pour tout. Je me sentais, nulle, incompétente dans mon travail, la pire amie du monde, la plus moche du monde, la plus ennuyeuse… Sur le moment, je n’avais aucun contrôle sur ce processus, elles étaient là et je les acceptaient comme une évidence. C’est vrai, j’étais cette personne sans aucun intérêt, j’étais gênante pour les autres. Alors, par réflexe, au début on résiste un peu, on se dit « mais non voyons, il y a machin qui me parle toujours, veut me voir… » mais ces pensées ne font qu’augmenter dans le temps, au début c’est juste « Je suis nulle », puis ça monte en puissance et la lutte n’est même plus envisageable, elle devient impossible, le plaisir n’existe plus et comme un conditionnement, ça s’intègre en soi, ces pensées deviennent l’unique vérité qui rythment le quotidien. Dès que ça me touchait personnellement, rien n’allait, tout était imparfait, ma vision de moi-même n’était que pessimisme et négativité, mais dès que ça concernait les autres, ma pensée était plutôt objective. Ils ont raté quelque chose? Oh bah ça arrive, c’est la vie. Ils se mettent en colère? Certainement une mauvaise journée ou peut-être qu’ils vivent un moment difficile. Il est plus facile d’être plus compréhensif avec l’autre, qu’avec soi-même, l’autre c’est normal, ça arrive, c’est une passade, peut-être qu’il faut que je discute avec eux…or, c’est impossible envers moi-même, impensable (et c’est le cas, on y pense pas) et le plus irritant souvent pour l’entourage, c’est que malgré les tentatives de réassurance, de compassion, de démonstration de notre importance à leurs yeux, rien ne fonctionne, ces idées sont inflexibles et deviennent délétères.

Comment en arrive-t-on là? Comment une simple pensée « je suis nulle » que tout le monde peut avoir aboutit à ce négativisme? Je pense que vous qui me lisez avez eu aussi cette pensée un jour, voir pendant quelques semaines qui part et revient par-ci par-là. Au début pour moi, c’est pareil, puis c’est tous les jours, à certains moments de la journée mais après ça devient une rumination. C’est là tout le temps, à chaque fait et geste, chaque interaction, cette pensée est là pendant des mois et elle augmente en puissance, elle se transforme et s’adapte à tous les sujets, ce n’est plus qu’au niveau des interactions sociales que je suis nulle, mais au travail, dans mes amitiés, dans mon couple et toujours sur un mode ruminations et pendant plusieurs mois. Ce processus c’est une machine de guerre qui sape toute résistance intérieure ou extérieure et anéantit tout.

Alors, vous pourrez me dire que ça ressemble à des pensées suicidaires mais en réalité c’est le raisonnement qui amène à la perspective d’en finir. On souffre, mais on n’est pas encore dans ce raisonnement morbide, cela pend du temps pour en arriver là et c’est vraiment quand il n’y a plus d’espoir et qu’il n’y a plus rien qui retient la personne (dans son esprit à elle) . Dans cette étape d’idées noires, surtout au début, on reste sensible à notre environnement et il est possible de s’en sortir seul ou grâce à ces proches mais passé un certain cap de rumination, la machine est implacable. Parfois, l’étape des pensées suicidaires n’est pas franchit, ça m’arrive assez souvent, chaque épisode dépressif ne mène pas forcément à des pulsions suicidaires, souvent l’idée que des proches tiennent à moi et que je n’ai pas envie de les faire souffrir n’empêche en quelque sorte de passer cette étape ou parfois je sais que c’est une difficulté à passer et que ça ira mieux plus tard.

Il ne s’agit donc pas de pensées suicidaires mais lorsque la phase rumination est atteinte, c’est un indicateur que ça ne va pas dans ma gestion de ma maladie/symptômes. J’essaye à l’heure actuelle de ne pas paniquer à la moindre pensée négative et d’accepter que c’est naturel d’avoir des moments de doute, je me dis que cela peut me permettre de faire de meilleurs choix ou de commencer à m’adapter aux changements. Le moment clé est la rumination, là, je sais que c’est le moment où j’ai besoin d’aide, qu’il faut que j’extériorise ces sentiments et que je ne dois surtout pas attendre que ça passe dans mon coin. Je vous le conseille aussi, quand les pensées commencent à être envahissantes, parlez-en, à vos amis, votre famille, votre médecin généraliste, un psychologue ou un psychiatre. Ne restez pas seul parce-que votre réalité est déformée et il est extrêmement difficile de sortir de cet état.

En espérant que cet article vous a servi,
Prenez soin de vous
Nelly

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