
La première fois qu’on m’a prescrit un traitement, c’était des antidépresseurs. Au premier abord, cela devait être temporaire. Quelques mois.
Puis une première rechute est passée par là, de nouveau un traitement temporaire…
Puis une deuxième rechute, la conversation autour du traitement a commencé à changer. La psychiatre ne parlait plus de temporaire mais peut-être pour plus longtemps. au départ, pas vraiment de notion de temps, cela restait flou mais au fur et à mesure de mon suivi et de mon diagnostic de bipolarité, les nombreuses conversations avaient toutes un point commun, ce traitement serait à vie, il fallait que je sois observante.
Je ne vais pas mentir, j’ai arrêté mes traitements plusieurs fois et encore à l’heure actuelle, l’envie pointe le bout de son nez de temps en temps.
A chaque arrêt, mes symptômes sont revenus, pas forcément dans les jours qui ont suivi mais parfois quelques mois après et à vrai dire, le retour n’est jamais agréable et parfois pire que la crise précédente.
A force de faire rechute -hospitalisation – stabilisation et l’usure psychologique engendré par ces cycles, j’ai appris et compris que suivre mon traitement faisait, malheureusement, parti à minima de ma stabilisation.
Lorsqu’on admet cette vérité, le plus dur est à venir.
Il ne suffit pas de se dire « aller tous les jours je prends mes cachets! » et miraculeusement, on prend tous les jours son traitement. Au début, la motivation est là, les raisons de ne pas arrêter sont présentes. Après tout, on ressort tout juste d’une crise, il n’y a pas meilleure motivation à mon avis.
Pendant quelques mois, voir quelques années tout va bien, la vie continue, quelques variations des symptômes mais cela reste facile à gérer au quotidien.
Avec le temps, le doute de l’intérêt de prendre ces comprimés commence à monter, on se dit qu’on est guérit, la fatigue du geste qui nous rappelle tous les jours la maladie, le sentiment d’être différent, d’être malade. La lourdeur du geste et de ces implications s’installe. Je ne parle même pas des effets secondaires qu’engendrent les traitements, vous en auriez pour des heures de lecture.
Lorsqu’on combine ces éléments, le sentiment de guérison, l’usure, les effets secondaires… on arrive souvent à un arrêt du traitement.
Il faut donc trouver des stratégies pour ne pas arrêter.
Dans un premier temps, il est important de connaître son traitement, pourquoi il est là et ce qu’il traite. Lorsque l’envie de stopper arrive, j’essaie toujours de me rappeler mes crises, mes précédents arrêts, les conséquences que celles-ci ont eu sur mon quotidien. Une sorte de petit rappel que mes précédents arrêts n’ont jamais fonctionné jusqu’à présent.
Ensuite, il faut combattre l’oubli. Il existe différents façon de lutter contre ça, les alarmes sur le téléphone, checker tous les jours une to-do liste, utiliser une application qui permet d’enregistrer s’il y a eu prise ou non. Cela demande un peu de rigueur et beaucoup d’honnêteté, dès qu’il y a un oubli, il faut gentiment se sermonner et se reprendre en mains. L’embûche ici, le sentiment de culpabilité lié à l’oubli. On se prend vite la tête, on se dévalorise, ce qui entraîne encore plus de pression.
Les oublis ça arrivera toujours, pour de multiples raisons, oubli d’aller chercher son traitement à la pharmacie ou de renouveler l’ordonnance à temps, être en déplacement, n’avoir pas envie de le prendre devant des gens puis oublier… Oublier une prise n’aggravera pas la maladie ou déclenchera une crise, par contre, oublier pendant une semaine ou un mois, là, c’est une mauvaise chose. Il faut dédramatiser quand on oublie mais savoir dans le même temps se reprendre dans l’instant, en augmentant le nombre de rappels sur le téléphone, prendre un temps pour se remémorer pourquoi ce traitement a été mis en place, se rappeler voir même écrire à quoi ressemble les crises passées.
Prendre un traitement à vie n’est jamais simple, tous les jours, les comprimés rappellent la maladie, les crises, les hospitalisations. Tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, on est ramenés à ce statut: malade. La lourdeur de ce rappel, nous fait oublier les prises, comme pour échapper à ce constat, encore plus quand on ne voit pas les symptômes depuis longtemps.
L’oubli fait partie de l’observance, j’ai oublié de nombreuses fois pour diverses raisons, au début je me disais que j’étais stupide, comment pouvais-je oublier? Moi, l’infirmière en plus? L’important ce n’est pas l’oubli mais ce qu’on en fait. Le plus difficile, se reprendre immédiatement et à chaque fois. Personnellement, j’utilise un calendrier pour cocher mes prises et dans mon journal, j’ai consacré un passage pour me rappeler pourquoi je me dois de prendre mon traitement (les conneries que j’ai faite, la peine de mes proches …) mais surtout j’ai accepté que je n’étais pas parfaite mais que je suis capable de corriger le tire à chaque fois. J’ai arrêté de me prendre la tête mais je cherche la raison et je résous ou corrige ce qui m’a empêché de prendre correctement mon traitement. Puis, la vie continue.
En espérant que cette lecture vous a aidé,
Prenez soin de vous
Nelly