
On naît tous et on meure tous, cette affirmation ne vous étonnera pas. Mais ce qu’il se passe entre temps, là, c’est un festival de possibilités. A l’heure actuelle, je suis dans une phase où je vais me retrouver à devenir une aidante d’un proche atteint d’un cancer et certains changements dans ma vie personnelle sont nécessaires.
En quelque sorte, je change de vie, de statut … et les changements peuvent être difficiles à encaisser. Il m’a fallu quelques mois pour un peu gérer mes émotions, mes peurs et ma manière d’aborder ce changement.
Pour commencer, mon plus gros changement est le retour au domicile familial, avec mes parents âgés. Je ne vais pas mentir, est-ce que je l’ai ressenti comme un retour en arrière dans ma vie d’adulte? Oui, et ce malgré toutes mes gymnastiques intellectuelles que j’ai faite pour contenir ce sentiment. C’est vrai, à 33 ans, revenir chez papa/maman, ça fout un coup au moral et j’aurai beau saupoudrer de « ils sont en difficultés, je veux les aider », rien n’enlèvera cet arrière goût.
Beaucoup de choses changent, j’ai vécu seule pendant quelques années, en me débrouillant seule et là, je suis avec deux autres adultes, des contraintes pour vivre tous ensemble, beaucoup moins de liberté. Il n’y a pas à dire, il faut trouver des compromis, recadrer un peu et redéfinir son jardin personnel.
Ensuite, comme j’ai pu en toucher quelques tweets, la situation de mon travail aussi est compliquée. Maintenant, j’habite plus loin et en plus l’impression que mon service va fermé est quasi constante. A partir de février, j’ai en plus de nouveau horaire en passant en 12h, ce qui implique nouveau planning, plus de repos à envisager… Encore un changement à incorporer, mais celui-ci est un peu plus positif parce que j’y vois plus de temps en semaine pour faire autre chose et j’envisage même de pratiquer un hobby. Les hics du côté professionnel sont mon évolution de carrière dont, étrangement, tout le monde me parle, comme si j’avais absolument atteint cette étape, alors que je ne le ressens pas spécialement et l’agonie de la psychiatrie que je vis en temps réelle.
Vous imaginez bien que j’ai ressenti pas mal d’angoisse face à tout cela et il m’a fallu digérer petit à petit mon ressenti. Ces derniers mois, beaucoup de questions sont survenus, la fin de vie d’un proche, les difficultés relationnels face à la maladie et au déclin d’un proche, mes propres peurs sur mon autonomie, mes peurs d’être incapable de soutenir ce proche, ma vie de femme …
J’ai dû reprendre un suivi un peu plus soutenu, je dormais peu, mes angoisses reprenant massivement le dessus. Mon état émotionnel était à fleur de peau, je me fâchais pour rien, je ressentais beaucoup de fatigue …

Petit à petit, c’est dessiné un thème que j’avais sous estimé, les attentes de la société. Toutes mes inquiétudes, mes frustrations étaient en réponse à ce qui était attendu normalement d’une femme de 33 ans. Je devrais avoir un appartement, être en couple et que j’avance ma carrière professionnelle (rester une « simple » infirmière toute ma vie, quelle idée!). Cette perception devenait obsédante, je ne validais rien de ce que je devrais être! Je suis complètement à côté de la plaque, je gâche ma vie, je ne construis rien! Mon dieu à 33 ans, je suis finie …
Je ne grossis pas le trait, c’est réellement ce que je me suis dit. Après tout, c’est ce qu’on me disait et ce qu’on me faisait comprendre. Bien sûr, mes choix étaient fortement réfléchi, j’ai passer des heures à faire des pour et contre, parler longuement avec mes psys, et j’avais réussi à m’affirmer.
Cependant, une fois que j’étais dans le changement, ma peur de ne pas être à la hauteur est apparu et le reste a fait son travail. Les premières difficultés avec mes parents, le stress de mon travail et les propositions incessantes de devoir « monter en compétence », « d’avancer en carrière » et de voir les autres avancer dans leur vie professionnelle, je me suis tout pris en pleine tête et j’ai oublié qui j’étais et quelles étaient mes valeurs, mes projets.
J’ai cédé aux « voilà ce que tu dois être et ce que tu dois avoir » et j’ai pris peur.
Peur de ne pas rentrer dans le moule de la « normalité »…
A l’heure actuelle, je me rends compte que je me suis évaluée sur la seule base de ce que la société attend de moi, et bien c’était une sacrée mauvaise pioche. J’ai dû retravailler sur mes notions de « normalité », de me re-légitimer dans mes démarches, mes envies.
Les attentes sociales sont vites écrasantes mais aussi notre seul moyen de nous évaluer pensant que c’est la seule échelle valable.
Pourtant, je le vois au quotidien, cette échelle est cassée, beaucoup sont laissés sur le bas côté parce qu’ils se remplissent pas « les bons critères », beaucoup sont en souffrance pour réussir à s’y conformer. Je le sais et pourtant face à la panique, j’y suis replongée la tête la première. Personne n’a envie de sortir des clous, de ne pas répondre aux attentes. Enfin, on pense qu’y répondre fait de nous des vainqueurs.
Heureusement que ce n’est pas la première fois que je fais face à ce problèmes sinon ça aurait pu durer dans le temps et m’entraîner bien plus bas dans ma perception de moi-même.
Non, je n’ai pas besoin d’avancer ma carrière si je me sens bien où je suis actuellement et que cela me suffit. Je me concentre à faire du bon travail, à me maintenir à niveau. Cela me va et me rend heureuse. Je m’éclate au quotidien, j’aime ce que je fais. Pourquoi voudrais-je changer si je ne le ressens pas? Il y a une évolution qui m’intéresse mais pour l’instant ce futur est un peu flou. Pourquoi me précipiter ? Parce qu’on me le dit?
Non je n’ai pas besoin de vivre seule dans mon appartement pour être validé, j’ai envie de soutenir mes parents comme ils m’ont soutenu et ce, malgré les difficultés que cela peut engendrer. Beaucoup d’autres le font, certaines « sociétés » valident ces choix. Pourquoi mon futur serait en sursis à cause de ma décision?
J’en suis à l’heure actuelle, à me concentrer sur recréer d’anciennes habitudes, à trouver mes soupapes de sécurité pour mon bien être, à refaire des projets. Je ne panique plus. Est-ce que j’ai des craintes? Oui, mais n’est-ce pas normale? Après tout, cette nouvelle étape vient tout juste de commencer et le changement ça demande du temps pour le stabiliser et en tirer profit. Je ne dois pas me précipiter et faire une chose à la fois, du mieux que je peux, parce quoi qu’en dise la société, c’est ce que nous faisons tous et on avance malgré tout. Petit à petit, un jour à la fois. Il y a des bons et des mauvais jours, c’est normal ça. Me mettre la pression et me considérer comme fini, ça, ça n’est pas normale.
Prenez soin de vous,
Nelly